Source : 14 mai 2024 – www.lesechos.fr
Jusqu’ici, les matériaux composites, très largement utilisés dans l’automobile, l’aéronautique ou les peintures, n’étaient pas recyclables. Des chercheurs de Montpellier et Besançon viennent de mettre au point un procédé pour les verdir.
Chaque année, quelque 25 millions de tonnes de matériaux composites sont fabriquées dans le monde, pesant à peine 5 % de la production totale de plastiques estimée à environ 500 millions de tonnes. Mais, à la différence des autres plastiques, ces matériaux composites n’étaient pas recyclables jusqu’à présent. C’est la contrepartie de leur extrême résistance à la chaleur et aux contraintes mécaniques, qui explique leur succès dans des industries aussi diverses que l’aéronautique pour la structure des avions, les énergies renouvelables pour les pales des éoliennes ou les loisirs pour les planches de surf ou de skateboard.
« Les matériaux composites sont très légers mais tout aussi résistants que le métal », explique Sylvain Caillol, chercheur à l’ICGM (Institut Charles Gerhardt Montpellier), un laboratoire de recherche spécialisé dans la chimie et placé sous la double tutelle du CNRS et de l’université de Montpellier. « Comme leur nom l’indique, les matériaux composites sont composés d’au moins deux composants, dont les propriétés mécaniques se complètent ».
L’aéronautique et l’éolien ciblés
Le plus souvent, il s’agit de résines époxydes – composées elles-mêmes de deux composants, l’époxy proprement dit et le durcisseur, un peu comme les colles époxydes que l’on achète dans les grandes surfaces de bricolage – et de fibres de verre ou de carbone. « Mais les liaisons chimiques qui se créent entre tous ces composants sont si fortes que l’on ne parvenait pas à les défaire d’une façon suffisamment intelligente pour permettre leur recyclage », ajoute Sylvain Caillol.
Avec dix chimistes ou ingénieurs de l’Institut de chimie de l’université de Graz en Autriche, de l’Institut Stratingh de l’université de Groningue aux Pays-Bas et de l’Institut Femto-ST à Besançon, associé au CNRS et rattaché à l’université de Franche-Comté, Sylvain Caillol vient de publier dans l’hebdomadaire américain « Science », l’une des plus prestigieuses revues scientifiques à l’échelle mondiale, un article qui démontre non seulement la réalisation de matériaux composites à base de résines époxyde d’origine 100 % naturelle, mais surtout qu’il est possible de recycler intégralement n’importe quel matériau composite.
« C’est notre collègue Katalin Barta de l’université de Graz qui, la première, a expliqué ce phénomène, et notre collègue Vincent Placet, à Besançon, qui l’a démontré par le calcul », détaille Sylvain Caillol. « Le procédé de ‘cassage’ des deux composants des époxy permet de les récupérer, ainsi que les fibres, de façon assez simple : il se déroule en deux étapes et fait appel à du méthanol, utilisé à des conditions optimales de température et de concentration ».
Sylvain Caillol, qui a travaillé de 2001 à 2007 chez Rhodia, l’ancien fleuron de la chimie française racheté en 2011 par le groupe chimique belge Solvay, estime que cette découverte va intéresser de grands noms de l’aéronautique ou de l’éolien. Et qu’au-delà du recyclage des résines époxy, elle peut s’appliquer à d’autres types de résines comme les vinylesters utilisés dans l’industrie marine ou les polyuréthanes, présents dans l’électronique ou l’automobile.
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